La France, de profile
Jean-Baptiste Del Amo (Règne animal, Gallimard), Cécile Coulon (Trois saisons dʼorage, Viviane Hamy) et Simon Johannin (Lʼété des charognes, Allia) approfondissent leurs visions de la France rurale, dans une rencontre organisée par le Marathon des mots et animée par Kerenn Elkaïm. (retrouvez la première partie ici)
Sur plusieurs générations, l’exploitation de la nature par l’activité humaine prend des formes de catastrophe naturelle entre les tragédies des hommes. Mais avant la suite de l’entretien, je vous propose un rapide résumé des œuvres.
Rencontre avec Cécile Coulon / Jean-Baptiste Del Amo/ Simon Johannin — 2de partie
Sommaire
1. Un portrait de la France rurale
2. L’exploitation de la nature
3. Les animaux dans les récits
4. Le désir et la violence
5. La famille
Résumé des œuvres
Règne animal :
Règne animal retrace, du début à la fin du vingtième siècle, l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. Dans cet environnement dominé par l’omniprésence des animaux, cinq générations traversent le cataclysme d’une guerre, les désastres économiques et le surgissement de la violence industrielle, reflet d’une violence ancestrale. Seuls territoires d’enchantement, l’enfance – celle d’Éléonore, la matriarche, celle de Jérôme, le dernier de la lignée – et l’incorruptible liberté des bêtes parviendront-elles à former un rempart contre la folie des hommes?
Trois saisons d’orage :
Les Fontaines. Une pierre cassée au milieu d’un pays qui s’en fiche. Un morceau du monde qui dérive, porté par les vents et les orages. Une île au milieu d’une terre abrupte. L’histoire d’André, de son fils Benedict, de sa petite-fille, Bérangère. Une famille de médecins. Celle de Maxime, de son fils Valère, et de ses vaches. Une famille de paysans. Et au milieu, une maison. Ou ce qu’il en reste. Les Trois-Gueules sont un espace où le temps est distordu, un lieu qui se resserre à mesure que le monde, autour, s’étend. Si elles happent, régulièrement, un enfant au bord de leurs pics, noient un vieillard dans leurs torrents, écrasent quelques ouvriers sous les chutes de leurs pierres, les villageois n’y peuvent rien ; mais ils l’acceptent, car le reste du temps, elles sont l’antichambre du paradis.
L’Été des charognes :
Les bêtes sont partout, les enfants conduisent leurs parents ivres morts dans des voitures déglinguées et l’amitié reste la grande affaire. C’est un pays d’ogres et d’animaux errants, un monde organique fait de pluie et de graisse, de terre et d’os, où se répandent les fluides des corps vivants et ceux des bestioles mortes. Même le ramassage scolaire ressemble au passage des équarrisseurs. Ici, on vit retiré, un peu hors-la-loi, pas loin de la misère aussi.
C’est La Fourrière, un « village de nulle part », et c’est un enfant qui raconte : massacrer le chien de « la grosse conne de voisine », tuer le cochon avec les hommes du village, s’amuser au « jeu de l’arabe », rendre les coups et éviter ceux des parents. Mais bientôt certains disparaissent, les filles vous quittent et la forêt finit par s’éloigner. D’une bagarre l’autre, la petite musique de ce premier roman vous emmène jusqu’à l’adolescence, quand la douleur fait son entrée et que le regard change, dans les turbulences d’une langue outrancière au plus près du rythme de l’enfance : drôle et âpre, déchirante et fièvreuse, traversée de fulgurances.*